Une nouvelle étude sur Haïti de l’International Crisis Group, une « organisation indépendante qui travaille à prévenir les guerres et à façonner des politiques qui construiront un monde plus pacifique », met en garde les partenaires internationaux contre l’organisation d’élections précipitées. Selon cette structure, la priorité est de transmettre l’aide aux populations vulnérables touchées par les dernières catastrophes naturelles, dont le séisme du 14 août dernier qui a dévasté la péninsule du Sud.
« Le soutien des partenaires internationaux pour juger la grande criminalité, la réforme de la police et l’appui à la création d’un gouvernement de transition ouvert et inclusif contribueront davantage à un retour à la stabilité que l’organisation d’élections précipitées », a alerté International Crisis Group, indiquant que le référendum sur la constitution et l’organisation des élections ne devraient pas être la priorité du pays.
« Après le séisme, les puissances étrangères, telles que les États-Unis, ont abandonné leur demande initiale d’organisation rapide d’élections dans le pays. Comme le reconnaissent à présent des hauts responsables à Washington, précipiter un scrutin pourrait porter préjudice aux opérations de secours actuelles et pourrait redonner lieu aux erreurs de 2010, lorsque peu de temps après le séisme, les États-Unis, les Nations unies et d’autres acteurs internationaux ont exigé que le pays maintienne les élections. Loin d’aider Haïti à se relever de la catastrophe, ces élections à la hâte ont été marquées par une très faible participation, une campagne timide et des conflits de légitimité, entraînant un cycle de violence et d’affaiblissement des institutions qui a débouché sur l’impasse actuelle », a expliqué l’organisation internationale.
« Il faudrait commencer par consolider le gouvernement intérimaire. Il devrait s’appuyer sur un soutien et une participation étendue et véritable pour mettre en place les mesures nécessaires pour s’attaquer aux déficits de sécurité, à l’impunité judiciaire et aux besoins humanitaires que connaît Haïti », a préconisé l’International Crisis Group.
Le pays est sur le point d’entamer une troisième année consécutive de récession économique. Les catastrophes naturelles du mois d’août de cette année, et surtout la violence entretenue par les groupes criminels financés par de puissants chefs d’entreprises, dirigeants politiques et trafiquants de drogue, selon l’International Crisis Group, ont réduit à néant une grande partie de l’économie.
« Depuis l’ère Duvalier, presque tous les présidents ont trouvé leur méthode pour instaurer un groupe armé extralégal, à l’exception de René Préval, au pouvoir de 1996 à 2001 puis de 2006 à 2011, qui s’y est refusé. Les présidents Aristide et Martelly auraient, à des degrés divers, instauré, soutenu, toléré ou fermé les yeux sur ces bandes armées et autres trafiquants de drogue qui sévissent principalement dans les quartiers les plus pauvres de la capitale, Port-au-Prince », a souligné l’organisation indépendante, notant que Jovenel Moïse semble avoir suivi l’exemple de ses prédécesseurs en contribuant et en léguant à son successeur la gestion de cet héritage d’insécurité.
Au contraire de la plupart des membres de bandes organisées dans d’autres pays d’Amérique latine, qui sont généralement plus autonomes même s’ils comptent sur la protection de l’Etat et des élus, les mercenaires d’Haïti, a fait savoir l’International Crisis Group, sont au service de ceux qui ont des ambitions politiques, qui souhaitent s’en prendre à un concurrent, ou protéger un entrepôt ou un lieu stratégique.
« Le lien entre les groupes armés et la police nationale haïtienne est complexe, oscillant de la collaboration occasionnelle au conflit ouvert. Malgré l’investissement étranger, ces 25 dernières années, de dizaines de millions de dollars dans les forces de police, leur échec à servir et protéger la population haïtienne constitue l’un des grands échecs de la communauté internationale, des Nations unies et des Etats-Unis en Haïti », a reconnu l’organisation internationale.
« Si les ressources ont toujours manqué pour assurer la sécurité du pays, les défaillances des forces de l’ordre viennent principalement de la réticence des dirigeants successifs à demander des comptes aux officiers ainsi que de leur désir de se maintenir au pouvoir en utilisant la police comme moyen d’application de la loi et d’intimidation à des fins personnelles », a poursuivi l’International Crisis Group.
Selon les conclusions de ce nouveau rapport sur Haïti, les forces de police ont fait appliquer la loi de façon sélective et se sont alliées aux bandes armées par opportunisme et sans vraiment subir de mesures disciplinaires pour mauvaise conduite. C’est ce qui explique le manque de confiance des Haïtiens dans les forces de l’ordre et leur réticence à coopérer.